Ezra Miller, de l'ado psycho au papa poule
"C’est sanglant d’être parent, c’est difficile." L'actrice Tilda Swinton, qui tient le film "We need to talk about Kevin" de bout en bout par un jeu d'actrice époustouflant, s'insurge contre les idées reçues. "Dans des situations où un fils est extrêmement violent, on considère systématiquement que c’est la faute de la mère", regrette-t-elle, en conférence de presse (photo ci-contre, par Mehdi Chebil pour FRANCE 24).
Quand Ezra Miller, 18 ans, parle d'être parent, c'est tout à coup beaucoup plus simple. "Vous savez, quand vous tenez un bébé à bout de bras, le bébé pleure. Et quand vous le tenez contre vous, il se sent rassuré, il sent votre chaleur, il entend votre cœur battre, et il arrête de pleurer. Dès l’âge de 9 mois, le nourrisson a établi avec sa mère une relation qui va déterminer tout le restant de sa vie…"
Deux points de vue qui résument toute la complexité d'être parent et d'établir une relation avec un enfant. Toute la tension psychologique du film "We need to talk about Kevin", réalisé par l'Écossaise Lynne Ramsay et présenté en sélection officielle à Cannes.
Une femme, Eva (Tilda Swinton), est devenue paria de la société pour une raison obscure et obsédante. Une raison liée de toute évidence à son fils, Kevin, dont elle et son mari "need to talk about". Kevin est un bébé qui pleure jour et nuit, un enfant qui refuse de jouer au ballon avec sa mère, un adolescent qui jouit de la souffrance de sa petite sœur. Un garçon que rien n’atteint, ni la culpabilité, ni l’amour.
Ezra Miller n’en est pas à son premier rôle d’adolescent asocial. En 2008, Cannes le découvrait dans "Afterschool" d’Antonio Campos, présenté dans la sélection Un certain regard. Il y campait un ado geek, insaisissable, coupé de ses émotions, qui assiste à la mort de deux camarades de lycée.
Le jeune acteur a le vent en poupe ; la Croisette le courtise. En interview, on découvre un jeune américain coiffé d’un chapeau à plume, inquiet de la marche du monde, farouchement anti-républicain et fan de Terrence Malick.
A regarder : l'interview d'Ezra Miller en anglais.
Ezra Miller photographié par Mehdi Chebil pour FRANCE 24.
France24.com : C’est curieux d’entendre un jeune acteur de 18 ans s’intéresser aux relations d’une mère avec son bébé…
Ezra Miller : C’est un sujet qui m’intéresse depuis longtemps, et dont ma mère, qui a eu trois enfants, m'a beaucoup parlé. Ce qui se joue dans les premiers instants de la vie d’un bébé a des répercussions incroyables. Le nourrisson comprend énormément de choses. C’est à ce moment que se noue le premier dialogue entre l’enfant et ses parents. Si les choses ne se passent pas tout à fait bien, cela affecte le développement physique et neurologique de l’enfant en devenir. J’ai toujours été fasciné par ce sujet. Et je m’y suis encore plus intéressé lorsqu’il a été question de faire ce film, "We need to talk about Kevin".
France24.com : Ce sont des réflexions qui vous viennent en regardant en arrière, vers votre propre enfance, ou en vous projetant dans le rôle de père…?
Ezra Miller : On verra pour le bébé ! Bien sûr, je n’ai que 18 ans, je ne planifie pas de devenir père bientôt. Mais l’état du monde n’est pas vraiment favorable à la création, en ce moment. La période actuelle est très destructrice. Étant donné la voie que prend l’humanité, je suis inquiet à l’idée de devenir père un jour.
France24.com : Vous suivez beaucoup l’actualité ? Il y a des événements qui vous ont particulièrement marqué ?
Ezra Miller : J’ai commencé à prendre conscience de la marche du monde sous l’administration Bush. C’était un temps où les dysfonctionnements de mon pays me sont apparus très clairement… On avait un président tellement maladroit qu’il n’arrivait pas à les cacher !
J’essaie de me tenir au courant de ce qui se passe. Et les enjeux sont terrifiants. Quand je vois qu’il y a toujours des fuites radioactives à Fukushima, quand j’entends un chercheur en médecine qui s’inquiète de la recrudescence du cancer dans les 30 prochaines années… je me dis : est-ce que je veux vraiment avoir des enfants ? On approche un moment crucial. Soit on court à notre perte, soit on trouve un moyen de raconter notre "histoire" d’une nouvelle façon. C’est tout l’enjeu de l’art aujourd’hui.
France24.com : J’imagine que le film de Terrence Malick vous intéressera…
Ezra Miller : Mais oui ! Je suis tellement impatient de voir le dernier Terrence Malick. Le 5e film de la plus grande star américaine ! Je ne sais pas si je serai encore à Cannes pour le voir, malheureusement...
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