La Palme d'Or remise à un brillant absent : Terrence Malick
Jusqu'à la dernière minute, les journalistes ont douté. Une rumeur insistante donnait l'Américain Terrence Malick (photo ci-contre) lauréat de la Palme d'Or. Mais Robert De Niro, également américain et président du jury, pouvait-il réellement récompenser le seul compatriote de la sélection ? Et pourquoi ni Terrence Malick, ni ses acteurs Brad Pitt et Jessica Chastain n'étaient-ils venus assister à la cérémonie ce dimanche soir, au Palais des festivals ?
Puis, finalement, Robert De Niro a mis fin au suspens : "The Tree of Life" est bel et bien la Palme d'Or de ce festival de Cannes 2011.
Dans la salle de presse, beaucoup de huées éclatent. D'autres journalistes applaudissent à s'en rompre les poignets. Le film de Terrence Malick aura divisé jusqu'au bout. Déjà, au moment de sa projection, la semaine passée, le long-métrage n'avait pas reçu le plus chaleureux des accueils (lire le compte-rendu ici).
Dimanche soir, deux membres de l'équipe du film "The Tree of Life" montent sur la scène du Palais des festivals, pour recevoir le prix au nom de Terrence Malick. "Il est réellement timide", insistent-ils.
Deux membres de l'équipe de "The Tree of Life" ont réceptionné la Palme d'Or (photo : Mehdi Chebil pour FRANCE 24)
En conférence de presse, qui suit la remise des prix, Robert De Niro justifie son choix. "Son film avait l'ampleur et le souffle requis pour une Palme d'Or. La plupart des membres du jury l'ont trouvé incroyable."
On n'en saura pas plus. Le président du jury n'est pas un bavard et ne souhaite pas commenter davantage.
Olivier Assayas, Linn Ullmann, Robert De Niro et Nansun Shi, quatre des neuf membres du jury de la compétition officielle.
À propos du Grand prix, qui a été remis ex-aequo à Nuri Bilge Ceylan pour "Once Upon a Time" et à Jean-Pierre et Luc Dardenne pour "Le Gamin au vélo", Robert De Niro dit simplement : "ce sont deux films importants qui ont impressionné le jury".
Il s'agit d'une nouvelle récompense cannoise pour les frères Dardenne, après deux Palmes d'Or et un prix du scénario. Leur cinéma est comme un muscle longtemps entraîné : tendu, et sans gras. "Le Gamin au vélo" est une nouvelle performance, pas forcément la plus brillante. L'histoire d'un adolescent qui se heurte au rejet de son père et se cherche un mentor.
Nuri Bilge Ceylan et les frères Dardenne, ex-aequo pour le Grand Prix (photo : Mehdi Chebil pour FRANCE 24)
Autre Grand Prix : "Once Upon a Time in Anatolia", du Turc Nuri Bilge Ceylan. Une très bonne surprise, tombée au dernier jour de compétition. Les conversations énigmatiques entre policiers perdus dans les steppes d'Anatolie ont donc réussi à scotcher le jury, même si le film est "long, difficile, et certainement incompréhensible", selon le propre aveu du cinéaste (lire notre article ici).
Maïwenn, son Prix du jury en main (photo : Mehdi Chebil pour France 24)
Le Prix du jury a été remis à Maïwenn pour "Polisse", une immersion totale dans la brigade de protection des mineurs (lire le compte-rendu ici). La jeune réalisatrice, essoufflée et émue aux larmes, a pris le temps de remercier son équipe. "J'avais peur d'oublier des gens et que l'émotion m'emporte", a-t-elle expliqué après coup, en conférence de presse.
Et à ceux qui reprochent au film d'être trop foutraque et proche du documentaire, Maïwenn se justifie :
Deux films outsiders ont rafflé les deux dernières récompenses.
"Footnote", long-métrage de l'Israélien Joseph Cedar, a reçu le prix du scénario. Cette comédie intello et amère, qui amène un père et son fils à se livrer bataille à coup de connaissance du Talmud et de reconnaissance universitaire, a davantage passionné les journalistes américains et israéliens que la presse française. Elle mérite pourtant le détour (lire notre article, et écouter l'analyse de Lisa Nesselson ci-dessous).
"Drive", de Nicolas Winding Refn, a reçu le prix de la mise en scène. J'avoue n'avoir pas été totalement conquise par les aventures dopées à la testostérone d'un conducteur de voitures, assez habile pour faire des cascades sur des tournages de film et assez malin pour garder les mains blanches dans des opérations de grand banditisme. Ce film d'action, menée de bout en bout par un super héros mutique, a de très grands fans parmi les festivaliers.
Franche unanimité, en revanche, pour Jean Dujardin, récompensé par le prix d'interprétation masculine pour l'énergie qu'il a mise dans le film muet "The Artist". Le jury avoue avoir été sous le charme du long-métrage de Michel Hazanavicius, au point d'hésiter à le récompenser davantage. "Mais nous ne pouvions pas donner plusieurs prix au même film", a regretté Robert De Niro, pourtant avare de commentaires. C'est dire.
Le prix d'interprétation féminine est revenu à Kirsten Dunst, pour son rôle de jeune mariée dépressive et impulsive dans "Melancholia". 'What a week !" s'est exclamée l'actrice américaine pour faire un trait d'humour, alors que l'exclusion du réalisateur de "Melancholia", Lars Von Trier, a plombé la fin du festival. Kirsten Dunst a évité de devoir justifier les propos de son réalisateur, et n'a pas affronté les questions de la presse, dimanche soir, après la cérémonie de clôture. On la comprend.
Kirsten Dunst pose avec son prix d'interprétation (photo : Mehdi Chebil pour FRANCE 24)
(PS : Grosse déception tout de même pour Aki Kaurismäki, qui avait présenté, avec "Le Havre", son opus le plus séduisant et pétillant depuis "Un homme sans passé" - lire le compte-rendu ici. Il y avait de quoi lui adresser la Palme d'Or. Membre du jury, Jude Law a reconnu en conférence de presse qu'il n'y avait pas eu assez de prix pour récompenser les oeuvres d'Aki Kaurismäki, d'Alain Cavalier et de Nanni Moretti. Dommage.)
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