Maïwenn et Moretti convoquent la police et le pape à Cannes
A lire : le récit de la soirée "Polisse", après la projection officielle.
Les flics et les cardinaux ont débarqué sur la Croisette. Les uns en uniforme bleu, les autres en soutane rouge. Deux fonctions qui concentrent les fantasmes des sociétés européennes. Réalisés par la Française Maïwenn ("Polisse") et l’Italien Nanni Moretti ("Habemus papam"), les deux longs-métrages sont en sélection officielle.
Maïwenn et Nanni Moretti ont réussi à être tous deux là on ne les attendait pas : en observateurs des institutions qui représentent l’ordre et la morale, et qu'ils malmènent au final assez peu.
On se surprend à s’attacher aux flics de la Brigade de la protection des mineurs aussi bien qu’aux cardinaux qui ont élu le nouveau pape. Le petit monde qui s’empoigne au commissariat du XIXe arrondissement de Paris est héroïque et hilarant. Les hommes à cheveux blancs qui dorment sous les ors du Vatican sont de grands enfants à la candeur toute touchante.
On plonge d’autant plus dans ces univers peu familiers, que les réalisateurs s’y risquent eux-mêmes. Maïwenn comme Nanni Moretti ont tous deux le goût de se mettre en scène et de se trouver un rôle mi-moteur, mi-observateur.
Mais dès qu’on monte le son des films, la police et le Vatican n’ont plus rien à voir. Ça gueule en permanence dans les bureaux de police de Belleville filmés par Maïwenn. Iris (Marina Foïs), Fred (Joey Starr) et Nadine (Karine Viard) vocifèrent pour obtenir les aveux des oncles pédophiles, des pères incestueux et des mères maltraitantes ; les confidences entre Iris et Nadine se transforment en pugilat ; les joutes verbales à la cantine sont interminables.
Tout le contraire de l’ambiance feutrée du Vatican, où le pape nouvellement élu (Michel Picolli) n’a personne à qui parler. Même son rendez-vous avec le psychanalyste (Nanni Moretti) tourne court, et pour cause : des dizaines d’oreilles vaticanes sont aux aguets. Le soir, les cardinaux se terrent dans le silence en compagnie d’une tisane ou d’un puzzle.
Quand tous ont la parole nouée, Nanni Moretti fait le moulin à paroles. Son bavardage sert de compagnie aux cardinaux. Il sert aussi à meubler le film dans les moments creux.
Toute symbolique est la prise de parole du cardinal Melville (Michel Piccoli). C'est par un cri déchirant qu'il signifie aux cardinaux son refus de monter sur le balcon et de prononcer un discours devant les milliers de fidèles réunis sur la place Saint-Pierre. Puis - et c'est une des beautés du scénario - sa parole se libère peu à peu quand lui reviennent en mémoire des répliques entières du théâtre de Tchekhov...
Après "We need to talk about Kevin" (Lynne Ramsay) et "Sleeping Beauty" (Julia Leigh) qui suintent le malaise et ont laissé la Croisette K.O., les festivaliers ont pu reprendre vie.
Les débordements émotifs de la kyrielle d’acteurs français de "Polisse", Joey Starr en tête, font l’effet d’un remontant-choc. Quant aux festivaliers à têtes blanches, en voyant la rébellion douce et la sage énergie de Michel Picolli, ils ont forcément eu envie de vieillir encore longtemps…
4 Comments
Poster un nouveau commentaire