En compagnie de Nansun Shi, de Sean Penn et d'Uggy le chien
Il y avait deux événements sur la Croisette ce matin : la performance de Sean Penn dans "This must be the place" de Paolo Sorrentino, et la remise du Dog Palm au British Film Center. Deux moments réjouissants pour cet avant-dernier jour du Festival, au moment où la fatigue et la lassitude ont commencé à sérieusement s’installer sur la Croisette, et où même les cinéphiles les plus accrocs ont délaissé les salles de projection pour faire la sieste sur la plage.
Le Palm Dog. Récompense au chien le plus convaincant dans les films présentés à Cannes. La cérémonie s’est déroulée avec un vrai jury, un vrai trophée (une bouteille de gin et un collier "Palm Dog"), et un vrai humour british. Le lauréat ? Uggy, le complice de Jean Dujardin dans "The Artist" de Michel Hazanavicius, of course. Amplement mérité.
Sauf que Mister Uggy est very busy. Il se trouve actuellement sur un tournage aux États-Unis, et a dépêché sa "petite amie", Apple, pour le remplacer à la cérémonie. J'aurais bien enregistré un "ouaf ouaf" pour le blog, mais Apple n'était pas d'humeur à aboyer. Alors la voici en images.
Le deuxième prix du Palm Dog a été remis au chien Laika, fidèle compagnon de Marcel Marx (André Wilms) dans "Le Havre" d’Aki Kaurismäki. Lui non plus, n’a pas daigné venir recevoir son Palm Dog.
Mais qu’importe, avec cette récompense canine, toute une nouvelle perspective s’ouvre aux cinéphiles. "Le chien apporte du réconfort aux acteurs et occupe l’écran dans des moments souvent silencieux et cruciaux", analyse le jury du Palm Dog.
On en vient à se souvenir qu’il y avait aussi un chien dans "This must be the place", long-métrage de Paolo Sorrentino, projeté en compétition ce matin. Mais sa performance a été éclipsée par celle de Sean Penn (ci-contre, photographié par Mehdi Chebil pour FRANCE 24). Celui-ci incarne Cheyenne, look de travelo et cheveux en pétard, une ancienne rockstar en pleine déprime. Son père, un juif new-yorkais, a passé sa vie à traquer le nazi qui l’a humilié dans le camp d’Auschwitz, durant la guerre. A sa mort, Cheyenne reprend le flambeau et part sur les routes des États-Unis.
L’histoire elle-même est trop étalée pour être saisissante. Mais qu’importe : Sean Penn fait tout le spectacle. L’acteur américain réussit à maintenir tout au long du film un fil de voix à la fois cassé et aigu, fragile et lent. Le travestissement vocal s’adapte même à une gamme d’émotions. Bluffant et jamais ridicule.
L'autre attrait du film réside dans sa bande-son groovy : la musique est signée David Byrne, que Sorrentino a filmé en concert et dont il a repris le titre d'une chanson, "This must be the place". Ci-dessous interprété à la BBC.
Qui de Jean Dujardin (et de Uggy le chien), de Sean Penn la rockstar ou de Brad Pitt pour recevoir le prix d’interprétation masculine dimanche soir ? Quel réalisateur va obtenir les faveurs du jury ? (Parmi les chouchous de la critique, il y a, dans le désordre : Aki Kaurismaki, Terrence Malick, Maïwenn, Alain Cavalier, les frères Dardenne ou encore Lynne Ramsay…)
Parmi ceux qui doivent trancher, Nansun Shi, productrice de films venue de Hong Kong. Nous l’avons rencontrée sur une terrasse du Palais des festivals. Bien sûr, elle ne livre rien sur le palmarès ou sur la teneur des débats au sein du jury. Mais en tant que femme productrice hong-kongaise, elle nous livre sa vision sur ce monde du cinéma très masculin qui s’ouvre lentement à une féminisation du métier. Cette année, la compétition officielle compte quatre films réalisés par des femmes.
Vous réjouissez-vous que les femmes commencent à percer dans le métier du cinéma ?
Il n’y a pas seulement quatre femmes parmi les réalisateurs en compétition officielle, mais aussi quatre femmes dans le jury !
Mais je ne pense pas qu’on devrait s’en réjouir. Ni se plaindre qu'il y ait seulement 4 réalisatrices pour 16 réalisateurs. Il n’y a pas des films réalisés par des hommes ou des femmes, il y a de bons films et de mauvais films.
Mais pensez-vous que les réalisatrices apportent quelque chose de nouveau au cinéma ?
Quand j’étais jeune, je détestais quand les gens marquaient la différence entre les hommes et les femmes, que ce soit parmi les réalisateurs, les dirigeants d’entreprise, les politiques…
Mais maintenant que j’ai un peu plus vécu, je constate qu’il y a réellement une sensibilité plus grande chez les femmes. C’est une généralisation, bien sûr. Mais la capacité des femmes à donner naissance à un enfant a quelque chose à voir avec cette sensibilité.
Bien sûr, quand vous voyez un film sensible, il peut autant être tourné par un homme que par une femme. Mais c'est surtout sur le terrain, au moment du tournage, que j'ai vu des différences. Certains réalisateurs peuvent agir sans pitié avec leurs équipes. À la limite de la cruauté parfois. Pour obtenir ce qu’ils veulent. Et j’ai vu plusieurs réalisatrices suivre un autre chemin, agir autrement.
(Sur le sujet, voir le reportage vidéo ci-dessous)
À vos côtés dans le jury, se trouvent Johnnie To, Robert De Niro, Uma Thurman… Des personnes qui, comme vous, ont surtout travaillé sur des films d’action et des thrillers. Est-ce que cela ressort dans les débats ?
Pas nécessairement. C’est toujours délicat de siéger dans un jury. Nous devons visionner 20 films, et les comparer entre eux. Nous ne les confrontons pas aux milliers d’autres films dans le monde. Nous examinons de près ces 20 films, les mérites de chacun et les performances des acteurs. Nous savions que nous allions voir toutes sortes de long-métrages, et pas seulement des films de "genre". Et nous nous sommes beaucoup préparés à ce Festival.
Est-ce qu’il y a beaucoup de débats, ou êtes-vous plutôt d’accord entre vous ?
Il y a eu beaucoup de débats, ce qui est très sain. La diversité est un bon ingrédient.
Être jury à Cannes, cela signifie d’être cloisonnée toute la journée dans des salles de projection et dans des réunions de délibération, ou est-ce que vous profitez aussi un peu de la Croisette ?
Oh, si, on sort. C’est Cannes ! C’est le festival !
Voir le reportage vidéo France 24 sur la place des réalisatrices à Cannes :
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